Tour d’horizon
Les femmes responsables techniques
J’introduis tout d’abord cet article avec des chiffres qui laissent songeurs :
Les femmes représenteraient selon les données CPNEF, 19% en direction technique et régie générale dans l’hexagone.
Concernant les adhérentes de Réditec elles sont 44 cette année sur 380 adhérents.
Mais soyons optimistes elles n’étaient que 4 lors de sa création en 2006, sur 125 adhérents !
En balayant les organigrammes des grandes maisons et des principaux lieux culturels des métropoles, on fait chou blanc :
très peu, voire pas du tout, de directrices techniques dans certaines « grosses » métropoles.
Les femmes sont présentes surtout en direction technique adjointe et en régie générale.
C’est un constat. En sociologie en appelle cela le fameux « plafond de verre ».
Quels sont les freins pour accéder à ces postes en tant que femme ?
De quel côté la frilosité penche ? l’employeur ou la candidate ?
Certainement les deux mon général et ceci pour diverses raisons avec son lot de préjugés qui heureusement commence à s’effriter avec une évolution, révolution (?) sociétale en marche depuis plusieurs années.
Une des mesures phares pour faire avancer ce déséquilibre : la loi du 6 Juin 2000 “tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives” va s’ensuivre la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 étendant à la vie professionnelle et sociale la mise en place de mesures “paritaires”.
Cette loi nous a aidé à « apparaitre » en tant que candidate potentielle, dans un secteur professionnel à majorité masculine.
Certaines d’entre nous auraient tendance à dire que la parité, c’est bien, mais que cette parité fausse la demande première : celle de la compétence. A force de parité, il ne faut pas oublier le CV.
Découlent deux questions qui passent dans notre tête :
Notre convocation systématique aux entretiens est-elle biaisée du fait de ce quota quasi obligatoire ?
Notre engagement a-t-il été légitime ou fait-il la part belle à cette satané parité qui fera de celui qui a osé engager une femme un employeur novateur auprès de ses tutelles ? …
En échangeant avec vous, mesdames, nous sommes assez d’accord pour convenir qu’un directeur. trice de lieux qui engage une femme à la direction technique « prend un risque » (si si)
Cependant on remarque que cette révolution des mentalités ne change pas rapidement, il n’y a pas plus de femmes directrices techniques à la tête des grosses institutions de ce pays. Loi sur la parité ou pas.
Car l’image d’Épinal de « l’homme directeur technique tout puissant et couteau suisse » est tenace. On associe encore et toujours cette direction technique à une présence forte masculine, comme dans beaucoup d’autres secteurs d’activité.
Certaines d’entre nous ont ressenti ce postulat de non compétences techniques, à devoir justifier des décisions techniques, à devoir faire des circonvolutions diplomatiques pour obtenir des actions demandées à une équipe ; car « nous avions intégré, sans que ce soit dit, des métiers d’hommes, que ce n’était pas un métier pour nous ».
De notre côté que se passe-t-il ?
Sommes-nous sereines en postulant ? Avons-nous avalé des couleuvres pour parvenir à ces postes ?
Nous avons toutes un parcours différent qui nous a mené à ces responsabilités, nous avons un ressenti propre et les témoignages ne se recoupent pas forcément.
Il est inutile de faire une généralité, aucune des femmes à ces postes ne s’y reconnaitraient et ce serait une fois de plus les enfermer dans des stéréotypes.
L’accès à ces postes a été différent pour chacune : pour la génération des cinquantenaires qui a appris « sur le tas » et pour la génération des trentenaires avec un parcours de formations plus élaboré.
C’est certainement à ce moment-là que les femmes ont été plus nombreuses et donc visibles dans ce secteur avec les spécialisations (le bureau d’étude via les postes de DTA fait fureur chez les femmes) c’est ainsi qu’elles ont eu accès aux postes de responsables plus aisément.
Il n’y a pas de bronca féministe des femmes dans la technique, c’est un métier passion avec une forte adhésion à cet univers avec son ambiance de travail particulière… et ses horaires particuliers.
On pourrait alors se poser la question des contraintes liées à la maternité, parfois difficiles à conjuguer avec des horaires décalés. Mais tant d’autres corps de métier (la restauration, par exemple) imposent des rythmes différents. Reste que ce choix n’efface pas la culpabilité -toute féminine- de ne pas se sentir à la hauteur.
Et les couleuvres, alors ?
Connaissons-nous cette fâcheuse tendance à obtenir un salaire en-deçà de nos prédécesseurs voire successeurs (si si c’est du vécu !) ?
Nous sommes plusieurs à constater que les contacts avec certains de nos interlocuteurs peut être difficile voire, en premier lieu, inexistant, parce que nous sommes des femmes ! « Et que, ma petite dame, ce n’est pas toi qui vas me parler de SSI » … Je me souviens encore de ma première commission de sécurité où j’étais totalement transparente auprès de mes interlocuteurs.
Ou bien un autre exemple vécu par une de mes consœurs : « J’ai quasiment eu systématiquement de la part de nouveaux prestataires la question : « il est où LE chef ? » et saluant mon technicien, comme si je n’existais pas, il répondait : ELLE est là ».
Je ne vais pas faire un abécédaire, j’en ai d’autres à charge, mais à quoi bon …
Il faut le reconnaitre cependant : chacune a essuyé des réflexions machistes à un moment donné de son parcours, nous avons toutes notre anecdote assez corsée. Mais parle-t-on vraiment d’anecdote ?…
Quelle est notre réelle différence ? est-ce bien le titre qu’il faille mettre … ?
Alors même que notre secteur évolue et que les missions deviennent plurielles et complexes, il semble aujourd’hui que l’accent lors des recrutements se place surtout sur le management.
Et nous apportons un autre management !
C’est très certainement nos différences de genre qui prime sur cet axe-là, sans vouloir tomber dans les poncifs éculés et faire une différence nette entre hommes et femmes, la généralité ne tient pas, on l’a dit plus haut.
Mais quand même ! il faut bien reconnaitre que notre rapport aux autres est différent, notre manière de communiquer, la façon d’aborder les problèmes, in fine notre mode relationnel est plus tempéré et moins « abrupt » surtout au moment des discussions tendues.
Je n’ai pas eu à chercher bien loin sur le net pour lire un rapport de recherche passionnant rédigé par Noelle Hamand sur le management au féminin :
https://dumas.ccsd.cnrs.fr/file/index/docid/914558/filename/memoire_M2_2013_Harmand_Noelle.pdf
En voici un extrait qui résume ce que nous avons échangé entre nous :
« Une majorité de femmes interrogées ont utilisé des termes identiques pour définir leurs styles : l’écoute, la notion d’équipe, de participation, de soutien, de prise de décision en coopération avec leurs équipes. Elles ont en grande partie fait référence au besoin de « faire ensemble » ou conjointement avec leurs collaborateurs. Elles se situent davantage comme leader. Elles indiquent aussi que c’est en montrant l’exemple qu’elles transmettent les valeurs de travail à leurs équipes. »
C’est un rapide tour d’horizon non exhaustif des femmes en direction technique, des débats suivront, notamment aux JTSE cet automne.
Je tiens à me répéter : la généralité ne tient pas ! seuls des axes majeurs importants ont été sortis des échanges mais cela reste très succinct tant les partages avec mes homologues ont été riches et enrichissants sur leur expérience et chacune ayant un parcours propre.
Je remercie Bérengère Naulot, Vanessa Bourgain-Petit, Esther Nissard et Bérengère Monier.
Caroline Boulay – membre de Réditec