Réditec en régions

PAYS DE LOIRE.

LES JOURNEES TECHNIQUES / ANGERS NANTES OPERA

Ce nouveau numéro de Plein feu ouvre sur des Journées techniques durant lesquelles des techniciens, permanents ou intermittents, membres de Réditec ou pas, des étudiants et des entreprises, ont fait, trois jours durant, « connaissance », en quelque sorte. Avec du matériel, des pratiques, des gens.

« On aurait tort de croire que l’industrie n’est pas ouverte, voire intéressée (…). La question est de savoir comment intervenir, comment influencer soi-même la construction d’un jeu d’orgue (…).

Les mots de Matthias Langhoff (dans une étude de 1987 sur la Comédie de Genève) auraient pu accompagner les Journées techniques récemment programmées au Théâtre Graslin à Nantes. La direction technique de l’opéra a accueilli des fabricants et diffuseurs de matériel son, lumière et vidéo  en compagnie de  professionnels et d’étudiants.

Langhoff, lui-même éclairagiste « de formation », ne parle pas  encore de maîtrise d’usage, mais c’est bien de cela qu’il s’agissait. Ces journées sont nées d’une idée d’Emmanuel Larue, régisseur général, en 2017, à l’occasion des Ecossolies, pôle de coopération et d’innovation sociale à Nantes. Il s’agissait de moments de partage, chacun amenant ses connaissances, ses questions et, notamment, des matériels divers, une console, un logiciel, voire une « bidouille » à l’occasion

Les outils pour le spectacle vivant »

« L’industrie est ouverte, voire intéressée » dit Langhoff.  Cette année, à l’opéra, des sociétés ont amené leurs plus récentes machines, les idées qui les sous-tendent, les expériences « en vrai grandeur », à savoir des spectacles et des acheteurs de référence, aussi.

La société nantaise Naostage, représentée par Alexis Reymond, développe le tracking, qui consiste à « Suivre l’artiste comme le ferait une poursuite », en quelque sorte, et plus encore. Ce fut Maud, technicienne lumière permanente, qui a posé le plus de questions, et qui a compris tous les endroits où ça pouvait coincer, où il pouvait y avoir des axes de progression et a perçu toutes les problématiques. Au quotidien, elle utilise des poursuites Juliat, que les étudiants, visiteurs d’une journée, n’ont pas eu le temps de  voir. On peut imaginer que lors d’une prochaine session soit combiné le système de Naostage avec l’écosystème de ETC, gage de  perspectives particulièrement riches.

Les sociétés APG et Active Audio ont pu montrer leurs propositions pour diffuser un son immersif ou, plus justement dit, un son spatialisé. Avec des enceintes positionnées en bord cadre,  soit dans le plan de l’orchestre qui, en opéra, constitue le lien entre la scène et la salle. Parlons en effet de « lien », la fosse d’orchestre unit plus qu’elle ne sépare l’espace scène de la cavea du public.

Johann Gehrig de chez  Algam, avait déjà participé à ce type de Journées techniques. Elles sont rares dit-il. Elles mettent en relief la possibilité (la nécessité !) d’échanges, la recherche conjointe de solutions. Le fait qu’il y ait eu des étudiants lors de ces Journées (DNMade du lycée Guist’hau et Département Scéno de l’Ecole d’architecture) lui paraît une excellente chose. Certes les futurs scénographes n’utiliseront pas, eux-mêmes, les appareils mis en œuvre sur le plateau, mais… que les gens de la lumière et ceux du décor aient langage commun semble de bonne politique ! A minima, cette scène aura été pour eux un terrain de rencontre, la première, pour un avenir à partager.

Jérôme Boudeau et Christophe Sartori pour la Fabsonic y participaient pour  la première fois. Cette présence se justifie disent-ils parce que leur société a besoin de visibilité et de notoriété. Fabsonic proposera très prochainement des MasterClass destinées aux personnels des théâtres : une dynamique est lancée, nous en reparlerons.

Aussi présents, Axente, avec Kevin Migeon, Coda Audio, avec Yves Guegan, ainsi que Bruno Gilbert (Inovatlantic) et Sam Egan, développeur chez Smode, tous les interlocuteurs des techniciens et techniciennes ont consacré temps et intérêt lors de ces journées. On réalise ce que cela représente comme investissement, pour les sociétés, bien sûr, mais aussi pour le théâtre lui-même. S’agit-il de formation ou d’information ? La réflexion pourra être développée à l’occasion.

On a aussi vu au plateau des projecteurs à batterie de chez Astéra, la mise en place du protocole Martin P3, notamment. La plupart des sociétés réunies à Graslin conçoivent et produisent dans le bassin économique nantais, particulièrement dynamique.

Les Leds qui occultent la forêt

Les débats et la réflexion sont intenses depuis un moment autour de l’éclairage avec des leds. « Obligatoires » dit la « transition écologique ». « Chèrs » constatent les théâtres. « Hors de prix » complètent certaines compagnies, pendant que d’autres cherchent à les imposer aux théâtres d’accueil… Il n’est pas de fiche technique à l’heure actuelle qui ne mette en exergue la problématique que nous avons tous en tête : comment, avec quels budgets et dans quel calendrier, satisfaire les besoins ?

On pourra se replonger dans le Foyer Réditec : Etude de Sébastien Riou et Frédéric Chauveau (Scénarchie), commandée par l’Agence culturelle Grand Est, le Blablatec n°1 et le Dossier sur la Transition led. Sans omettre nos échanges au quotidien.

Les utilisateurs de demain

Les étudiants de DNMade (nous avons rencontré Clément Gonzalez, Erell Guehenneux et Jade Guely, en troisième année) avaient déjà pu suivre des Journées techniques l’an passé. Cette seconde expérience conforte et complète la découverte de nouveaux matériels, guidée par des professionnels qui apparaissent à leurs yeux plus comme des « sachant » que comme des confrères (cela, ce sera, espérons-le, l’an prochain !) ou des « marchands ». Ils ont noté la passion de leurs interlocuteurs (tiens, aucune femme !) Et pour eux, se retrouver en stage aux Vieilles charrues avec le matériel de Naostage, précisément découvert à Graslin l’an passé, fut une aubaine : non seulement ils savaient déjà s’en servir, mais ils étaient en mesure de noter les progrès et le développement des machines !

Vers l’artistique

Comment un metteur en scène, un artiste, peut-il, avant même de s’approprier l’usage d’une technologie (ou, de manière plus réaliste, s’en servir via la maîtrise qu’en ont les techniciens), tout simplement la connaître, savoir que cela existe ? Comment le technicien va-t-il « amener » la proposition d’un son immersif – ou toute autre technique ? Nous le voyons lors des Rencontres Réditec : les directions techniques peinent à se réunir avec  les artistes, les metteurs en scène. Et cela n’est pas faute d’essayer ! Il faut poursuivre en ce sens.

En amont de l’utilisation sur scène de matériels, il faut bien aux responsables techniques connaître, choisir, budgéter, gérer. De cela il ne fut pas question lors de ces Journées techniques, ça n’était pas le but, bien entendu.

Un metteur en scène auquel un technicien demandait ce qu’il souhaitait comme réalisation d’un effet lui répondit : « Non, dis-moi, montre-moi ce que cela peut faire. Après je tricoterai quelque chose en relation avec la dramaturgie du spectacle ».

Elargir le spectre

La nouvelle directrice de l’opéra, Alexandra Lacroix, est passée un moment au plateau. Elle s’est montrée d’autant plus intéressée qu’elle a une expérience en ces domaines, au sein de l’Ircam.

A l’occasion, les sociétés présentes lors de ces Journées techniques se montrent fort intéressées pour participer à des rencontres, tables rondes ou autres séances de travail, tant il est vrai  que l’émergence, le développement et la gestion des technologies ne peuvent se faire que dans l’échange.

A suivre, donc.

Régis Vasseur

AUVERGE RHONE ALPES

REDITEC Auvergne Rhône-Alpes s’est réunie cette année 4 fois. En janvier à Annecy, à l’Arcadium et à Bonlieu Scène nationale (13pers.); en mai au GRIM Edif à Lyon avec France Travail pour parler formation et recrutement (15p); en juin aux Nuits de Fourvière (22p);  et en octobre à la MC2 de Grenoble (15p).

Toujours sur un principe d’échanges, discussions et partages autour de thématiques de formation et recrutement, de prêt de matériels, d’échange de pratiques, de normes et textes règlementaires, de contexte économique, du fonctionnement propre de ces réunions … comme cela avait été présenté dans le Plein feu de début d’année. Dans ce contexte, voici un condensé, assisté par iA, de trois thématiques parmi d’autres qui ont fait l’objet de discussion lors des deux dernières réunions. La prochaine réunion aura lieu le 9 janvier au théâtre des Célestins à Lyon.

N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez participer à une réunion : aura@reditec.org

Bilan carbone et suites

Les discussions récentes autour du bilan carbone des structures culturelles révèlent une prise de conscience croissante, mais aussi des interrogations sur la portée concrète de ces démarches. Plusieurs établissements ont réalisé un premier bilan, souvent sous-traité à des prestataires spécialisés. Les retours montrent que ces diagnostics, s’ils fournissent des chiffres utiles et permettent parfois d’affiner des préjugés (exemple d’une salle pour laquelle le diagnostic effectué a montré qu’en termes de consommation électrique la CVC était 4 fois plus impactant que l’éclairage), ne produisent d’effets durables que lorsqu’ils s’inscrivent dans une stratégie globale portée par la direction. Le suivi et la continuité des plans d’action demeurent un défi, tant en raison du temps et des moyens nécessaires que du manque de coordination entre les services. Autrement dit, comment capitalisé sur ce qui a été investi à la première réalisation pour éviter de recommencer à zéro trois ans après.

À la MC2, par exemple, le bilan BEGES 2022-2023 a mobilisé neuf personnes et conduit à un plan d’action aligné sur le décret tertiaire (objectif -35 % d’émissions d’ici 2030). Les principaux postes d’émission concernent les achats (46 %), les transports (26 %) et les déchets (14 %). Des initiatives locales comme le réseau « Les Verdoyantes » à Grenoble encouragent la mutualisation, la sobriété  énergétique et numérique, et la réduction des mobilités carbonées. Néanmoins, plusieurs intervenants soulignent le décalage entre l’énergie humaine investie et l’impact réel, ainsi que la nécessité de replacer ces démarches dans un cadre politique plus large. Quel temps consacrer à rassembler et analyser ces données par rapport au temps consacré à l’action et au reste de notre métier initial.

Ressources : le rapport du Shift Project « Décarbonons la culture » et l’outil bilan carbone simplifié spécifique aux acteurs culturels éditer par la métropole et la ville de Lyon accessible gratuitement : https://acteursculturels.grandlyon.com/bilan-carbone/ Relation entre structures culturelles et propriétaires de bâtiments

La relation entre structures occupantes et propriétaires publics des bâtiments reste un sujet de complexité quotidienne.

La MC2 et la Métropole ont mis en place un groupement d’achat visant à clarifier les responsabilités et fluidifier la gestion des interventions techniques. Cette convention bipartite définit les niveaux d’entretien préventif et correctif, ainsi que la répartition des coûts et des maîtrises d’ouvrage et facilite la réalisation des prestations ensuite. Ce modèle permet de gagner en réactivité et d’éviter les zones grises entre les obligations de l’exploitant et celles du propriétaire.

La délégation de maitrise d’usage avec délégations de moyens est un autre exemple de relation qui peut permettre de faciliter la réalisation d’un chantier lorsque le propriétaire a le budget pour financer des  opérations, mais pas la ressource humaine suffisante pour les piloter dans le calendrier attendu. Cependant, il y a aussi des limites à ce type de montage : en cas de hausse imprévue des coûts d’un chantier, la structure exploitante doit parfois réallouer des budgets au détriment d’autres opérations.

D’autres établissements évoquent des modèles variés, allant de la simple « location d’appartement » à des délégations de maîtrise d’ouvrage, en passant par des plans pluriannuels de gros entretien et renouvellement (GER). Ces retours partagent un même constat : la clarification des rôles et la stabilité des partenariats avec les collectivités sont des conditions essentielles pour assurer une gestion efficace et durable du patrimoine culturel.

Mutualisation de matériels et d’espaces de stockage

Malgré l’interruption du projet de recyclerie culturelle portée par la Métropole de Lyon, les besoins logistiques et les potentiels de coopération restent très présents dans nos activités. Différents sujets voisins se croisent et pourraient faire l’objet d’un regroupement d’intérêt, notamment pour aller discuter avec les institutions à plusieurs plutôt que chacun de son côté:

– Partage d’espaces de stockage (il y a quelques exemples existants, mais avec la difficulté qu’une fois qu’un carton est posé il ne rebouge que très difficilement) – pertinence locale

– Création d’une plateforme logistique pour les gestions de tournées et les stockages temporaires pour les compagnies. Le transport pour le spectacle vivant est un métier de niche, il y a  surement un fonctionnement différent à inventer. – pertinence régionale.

– Mutualisation d’achats. Exemple en cours d’achat de projecteurs avec la maison de la Danse, les Subsistances et le CCN de Rillieux la Pape, notamment pour bénéficier d’une subvention métropolitaine. Bilan à suivre après usage – pertinence locale

– Prêts de matériel. Les échanges montrent un potentiel de développement du fonctionnement actuel (prêts informels de matériel technique entre personnes qui se connaissent entre structures culturelles), par une structuration légère des pratiques, tout en évitant l’écueil de l’usine à gaz qui ne voit jamais le jour. Une expérimentation devrait être menée, en collaboration avec le REER, de création d’une mailing liste fermée, basée uniquement sur le volontariat, pour faciliter les mises en relation, y compris entre régisseurs ne se connaissant pas. – pertinence locale, ou ponctuellement régionale.

Sylvain Beguin

PACA

Journée du 16 juillet 2025 au Festival d’Avignon

La journée REDITEC, coorganisée avec l’ISTS (Institut Supérieur des Techniques du Spectacle), a débuté par la visite guidée d’un lieu emblématique du Festival d’Avignon : le Cloître des Carmes.
Une plongée dans son histoire vivante, depuis sa réouverture par Jean Vilar jusqu’aux enjeux contemporains qu’il rencontre aujourd’hui.

Cette visite était encadrée par Frédéric Caron, ancien responsable sécurité du Festival, et Thierry Manuel, régisseur général. Deux regards complémentaires, mêlant sécurité, préservation du patrimoine, technicité, contraintes techniques, coulisses et régies.

Parmi les échanges, un point majeur a particulièrement retenu l’attention :

« Gardez les traces de tout ce que vous faites dans vos lieux, vous êtes les gardiens de leur mémoire. »

Un grand merci à eux pour le temps qu’ils nous ont accordé, leur passion partagée, ainsi qu’à Fabrice Gerber pour l’organisation de cette visite enrichissante.

 L’après-midi s’est poursuivie à la Maison des Professionnels, dans le théâtre de l’ISTS, au Cloître Saint-Louis, avec une table ronde introduite par Bérengère Naulot et animée par Gaëlle Kikteff.

« FACE AUX DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES, QUELLES SOLUTIONS POUR NOS STUCTURES CULTURELLES ? »

 

Cette rencontre s’est articulée en deux temps :

  1. La recherche de nouvelles sources de financement et de ressources propres pour les structures du spectacle vivant.
    • Intervenants : Caroline Strauch (responsable du mécénat et des partenariats au Théâtre National de Strasbourg), Robin Renucci (directeur du Théâtre de la Criée – CDN à Marseille) et Alban Corbier (directeur de la Friche Belle de Mai).
  2. Les conséquences organisationnelles qu’impliquent ces démarches, notamment leur intégration dans des emplois du temps déjà très chargés.
    • Intervenants : Caroline Strauch, Pierre Villard (directeur technique du Théâtre de la Criée – CDN à Marseille), Laïs Foulc (directrice technique du Théâtre Sylvia Monfort à Paris) et Yann Loric (directeur technique de la Friche Belle de Mai).

Les échanges ont montré que, dans les quatre lieux représentés, la recherche de ressources propres s’impose comme une nécessité face au désengagement progressif des partenaires publics. Si le mécénat, la privatisation d’espaces ou d’activités annexes apparaissent comme des solutions, ils doivent rester « éthiques » et en cohérence avec les valeurs culturelles du lieu.

Tous les lieux ne sont pas sur un pied d’égalité : projets artistiques, ancrage territorial, présence d’entreprises partenaires, prestige ou rayonnement influencent les possibilités de diversification. Ces évolutions ont un impact direct sur l’organisation des équipes et des services techniques, soulevant des questions de faisabilité, de temps, d’adaptation et de motivation collective.

En conclusion, les participants ont souligné qu’il demeure impératif de défendre les valeurs du service public, qui doivent et peuvent être préservées, même dans un contexte de diversification croissante des financements.

Je souhaitais à titre personnel dans l’organisation de cette journée, remercier chaleureusement Jean-Rémi B., Fany S, Bérengère N, Bernard V., Yvan T., Fabrice G., Laurent B.  La journée et ces temps que j’ai partagé étaient particulièrement précieux et contribue à nourrir l’esprit et la convivialité qui font la richesse de Réditec.

(Vous pouvez retrouver les photos de cette journée dans « Retour en images » de ce numéro de Plein feu)

Guillaume Granval

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